Le nord-ouest de l’Islande, avec ses fjords profonds et ses falaises vertigineuses, constitue un écosystème à part, un sanctuaire où la nature déploie une force brute et une beauté saisissante. Loin des circuits les plus fréquentés, cette région offre aux observateurs patients des rencontres inoubliables avec une faune remarquablement adaptée à des conditions extrêmes. Entre la terre, la mer et le ciel, un ballet incessant se joue, mettant en scène des créatures emblématiques de l’Arctique, témoins vivants d’un monde encore largement préservé.
Les mammifères terrestres de l’Islande
Le renard polaire : un autochtone discret
L’Islande se distingue par une particularité biologique majeure : elle ne compte qu’un seul mammifère terrestre natif, le renard polaire. Arrivé sur l’île à la fin de la dernière période glaciaire en traversant la mer gelée, il est le survivant par excellence. On le rencontre sous deux morphes de couleur. Le plus connu est le blanc, qui lui offre un camouflage parfait en hiver, mais le plus courant en Islande est le morphe bleu, dont le pelage gris-brun reste constant toute l’année. Sa présence dans les fjords du nord-ouest est bien documentée, où il chasse les oiseaux, leurs œufs et se nourrit de baies durant la courte saison estivale.
Les espèces importées et leur acclimatation
D’autres mammifères peuplent aujourd’hui les terres islandaises, mais tous ont été introduits par l’homme. Les rennes, par exemple, ont été importés de Norvège au 18ème siècle. Bien que la plupart des troupeaux se soient établis dans l’est du pays, des individus isolés peuvent parfois être aperçus plus à l’ouest. Le cheval islandais, quant à lui, est une icône nationale. Robuste, doté de cinq allures distinctes dont le fameux tölt, il fait partie intégrante du paysage. Bien que domestiqué, le voir évoluer en semi-liberté dans les vastes étendues sauvages est un spectacle qui rappelle la symbiose entre l’homme et l’animal dans cet environnement exigeant.
La faune terrestre, bien que fascinante, reste limitée en diversité. C’est en tournant le regard vers les côtes et l’océan que l’on prend la mesure de l’incroyable richesse biologique de la région.
L’univers marin et ses géants
Les colonies de phoques : des résidents permanents
Les côtes découpées du nord-ouest sont un habitat de prédilection pour les phoques. Deux espèces principales y ont élu domicile. Le phoque veau-marin est le plus commun, reconnaissable à sa tête arrondie et ses narines en forme de V. Le phoque gris, plus grand et doté d’un museau allongé, est également présent. Il n’est pas rare de les surprendre se prélassant en colonies sur les rochers à marée basse ou observant avec curiosité les bateaux qui passent, leurs têtes sombres perçant la surface de l’eau.
Les visiteurs occasionnels des profondeurs
Si les phoques sont des habitants constants, les eaux islandaises accueillent parfois des visiteurs plus rares. Des morses, venus du Groenland, sont parfois signalés dans les fjords les plus reculés, rappelant les liens étroits qui unissent les écosystèmes arctiques. Pour mieux distinguer les deux espèces de phoques les plus communes, voici un tableau comparatif :
Caractéristique | Phoque veau-marin | Phoque gris |
---|---|---|
Taille moyenne | 1,85 mètre | Jusqu’à 3 mètres |
Signe distinctif | Tête ressemblant à celle d’un chien | Museau allongé, profil droit |
Comportement | Souvent en groupes sur les côtes | Plus solitaire, préfère les zones exposées |
La présence de ces mammifères marins témoigne de l’abondance de nourriture dans les eaux côtières, une manne qui attire également les plus grands animaux de la planète, mais aussi une myriade de créatures ailées.
L’Islande, terre des oiseaux
Une avifaune d’une richesse exceptionnelle
L’Islande est un véritable paradis pour les ornithologues. Plus de 300 espèces d’oiseaux y ont été recensées, qu’elles soient résidentes, migratrices ou de passage. L’absence de grands prédateurs terrestres et la profusion de sites de nidification en font une nurserie de premier plan pour de nombreuses populations d’oiseaux marins. Parmi les espèces emblématiques, on trouve :
- La sterne arctique, qui détient le record de la plus longue migration annuelle.
- L’eider à duvet, dont le précieux duvet est récolté de manière durable.
- Le grand labbe, un redoutable prédateur qui n’hésite pas à harceler d’autres oiseaux pour leur voler leur nourriture.
- Le pygargue à queue blanche, le plus grand rapace d’Islande, dont la population se reconstitue lentement.
Le macareux moine : l’emblème national
Aucun oiseau ne symbolise mieux l’Islande que le macareux moine. Avec son bec coloré, sa démarche maladroite et son regard presque comique, il attire la sympathie de tous. L’Islande accueille durant l’été plus de la moitié de la population mondiale de macareux moines de l’Atlantique. Ils creusent des terriers au sommet des falaises pour y élever leur unique poussin avant de repartir passer l’hiver en haute mer.
Cette incroyable concentration d’oiseaux trouve son apogée dans un lieu précis du nord-ouest, une forteresse naturelle où la vie aviaire défie les lois de la gravité.
Le renard polaire : symbole de la survie arctique
Adaptations à un environnement extrême
Pour survivre dans un climat aussi rude, le renard polaire a développé des adaptations exceptionnelles. Son épaisse fourrure, dont la couleur change avec les saisons pour le morphe blanc, lui assure une isolation thermique inégalée. Ses pattes sont couvertes de poils, agissant comme des raquettes et protégeant ses coussinets du froid. Son ouïe fine lui permet de localiser ses proies, comme les lemmings, même sous une épaisse couche de neige. En été, son régime alimentaire se diversifie considérablement, profitant de l’abondance d’oiseaux et d’œufs.
Un animal au cœur de l’écosystème
Le renard polaire joue un rôle crucial dans l’écosystème islandais. En tant que seul prédateur terrestre natif, il régule les populations d’oiseaux et agit comme un nettoyeur en se nourrissant de carcasses. Pour ceux qui souhaitent en apprendre davantage, un centre de recherche et d’exposition lui est entièrement consacré dans la petite ville de Súðavík, au cœur des fjords du nord-ouest. Il offre un aperçu fascinant de la biologie et de l’histoire de cet animal emblématique.
Si le renard polaire règne en maître sur la terre ferme, les véritables géants de la région évoluent dans les profondeurs des eaux glacées qui la bordent.
Baleines et cétacés : merveilles des eaux glacées
Les espèces les plus communes
Les eaux froides et riches en nutriments du nord-ouest de l’Islande sont une zone d’alimentation privilégiée pour de nombreuses espèces de cétacés. Les sorties d’observation en mer permettent de rencontrer régulièrement plusieurs d’entre elles. La baleine à bosse est sans doute la plus spectaculaire, connue pour ses sauts impressionnants hors de l’eau. Le petit rorqual, plus discret, est également très fréquent. Il est aussi courant d’apercevoir des groupes de dauphins à bec blanc jouant dans l’étrave des bateaux.
Les géants plus discrets
Avec de la chance, il est possible d’observer des espèces plus imposantes. Le rorqual commun, deuxième plus grand animal de la planète, sillonne ces eaux, tout comme l’orque, superprédateur des océans. La rencontre ultime reste celle avec la baleine bleue, le plus grand animal ayant jamais vécu. Bien que rares, ses apparitions laissent un souvenir impérissable. Le Hvalfjörður, ou « fjord des baleines », porte bien son nom et témoigne de l’importance historique de ces animaux pour l’île.
Espèce | Taille moyenne | Période d’observation principale |
---|---|---|
Baleine à bosse | 12-16 mètres | Avril – Octobre |
Petit rorqual | 7-10 mètres | Mai – Septembre |
Dauphin à bec blanc | 2,5-3 mètres | Toute l’année |
L’observation de ces léviathans est une expérience unique, mais le spectacle le plus assourdissant et le plus concentré de la faune islandaise se trouve sur les parois rocheuses monumentales de l’extrême ouest.
Observation des oiseaux sur les falaises de Latrabjarg
Un sanctuaire pour les oiseaux marins
Látrabjarg est plus qu’une simple falaise : c’est une métropole ailée. S’étendant sur 14 kilomètres de long et atteignant 441 mètres de hauteur, ce promontoire est le point le plus occidental de l’Europe. Durant la saison de nidification, de mai à août, ses parois accueillent des millions d’oiseaux marins. Le vacarme est incessant, mêlant les cris de milliers de guillemots, de petits pingouins, de fulmars et de mouettes tridactyles. C’est l’une des plus grandes concentrations d’oiseaux de mer au monde, un spectacle naturel d’une intensité rare.
Les stars de la falaise
La principale attraction de Látrabjarg reste le macareux moine. Nulle part ailleurs il n’est aussi facile de les approcher. Peu craintifs, ils nichent au sommet de la falaise, parfois à quelques mètres seulement du sentier. On peut passer des heures à les observer interagir, transporter des poissons dans leur bec ou entretenir leur terrier. C’est une occasion photographique exceptionnelle et un moment de connexion privilégié avec la faune sauvage.
Conseils pour une visite réussie
Pour profiter pleinement de l’expérience Látrabjarg, quelques précautions sont de mise. Il est essentiel de respecter la faune et l’environnement fragile. Voici quelques conseils pratiques :
- Approchez-vous du bord en rampant pour ne pas effrayer les oiseaux et pour votre propre sécurité.
- Restez sur les sentiers balisés, car le sol peut être instable à cause des terriers.
- Prévoyez des vêtements chauds et imperméables, car la météo peut changer très rapidement.
- N’oubliez pas vos jumelles pour observer les oiseaux nichant plus bas sur la paroi.
La faune du nord-ouest de l’Islande offre une immersion dans un monde sauvage et authentique. Depuis le renard polaire, unique mammifère terrestre natif, jusqu’aux millions d’oiseaux marins des falaises de Látrabjarg, en passant par les ballets des baleines dans les fjords, chaque rencontre est un rappel de la beauté et de la fragilité de la nature arctique. Explorer cette région, c’est accepter de se laisser surprendre par la vie là où on l’attend le moins, dans un décor d’une puissance inoubliable.