L’Islande, terre de glace et de feu, recèle en son cœur des territoires sauvages et isolés, accessibles uniquement à ceux qui osent s’aventurer hors des sentiers battus. Parmi les pistes qui sillonnent ces Hautes-Terres, la route F35, également connue sous le nom de Kjölur, se distingue comme une artère mythique. Elle ne se contente pas de relier le nord et le sud de l’île ; elle offre une immersion totale dans des paysages lunaires, où la solitude est reine et la nature, toute-puissante. Emprunter la F35, c’est accepter de se mesurer à un environnement brut et majestueux, une expérience qui marque durablement l’esprit du voyageur en quête d’authenticité et de grands espaces.
Découverte de la route F35 : un parcours unique au cœur de l’Islande
La route F35 est bien plus qu’un simple axe de circulation. C’est une véritable traversée des Hautes-Terres islandaises, une région inhabitée et préservée. Sur près de 200 kilomètres, elle se fraie un chemin entre deux des plus imposants glaciers du pays, le Langjökull à l’ouest et le Hofsjökull à l’est. Contrairement à d’autres pistes « F » (pour « Fjall », montagne en islandais), la F35 a la particularité de ne comporter aucun passage de gué majeur, ce qui la rend plus accessible, bien que toujours exigeante.
Une piste historique
Le tracé de la Kjölur est ancestral. Il était autrefois emprunté par les Islandais pour se rendre à l’Althing, l’ancien parlement national situé à Þingvellir. Ce chemin était redouté, associé à des légendes de fantômes et de hors-la-loi se cachant dans ce désert de pierre. Aujourd’hui, la piste a été améliorée mais conserve son caractère sauvage. Elle n’est pas goudronnée sur la majorité de son parcours, se présentant comme une succession de graviers et de roches qui met à l’épreuve véhicules et conducteurs.
Caractéristiques du tracé
La route F35 se divise en deux parties distinctes. La section sud, partant des environs de la cascade de Gullfoss, est la plus rocailleuse et la plus lente. Au fur et à mesure que l’on progresse vers le nord, la piste devient plus roulante, offrant des vues panoramiques sur les calottes glaciaires environnantes. Le paysage est un désert froid, une immensité minérale où les couleurs varient du noir volcanique au brun ocre, créant un tableau d’une beauté austère et saisissante.
Connaître la nature de cette route est une première étape essentielle. Il faut maintenant déterminer le moment opportun pour s’y engager, car les Hautes-Terres ne se laissent pas apprivoiser à n’importe quelle saison.
Quand explorer la route F35 : meilleurs moments et conditions idéales
L’accès aux Hautes-Terres islandaises est strictement saisonnier. La F35 n’échappe pas à cette règle et n’est ouverte à la circulation que durant une courte période estivale. Tenter l’aventure en dehors de cette fenêtre est non seulement interdit, mais surtout extrêmement dangereux. La météo, même en été, peut y être imprévisible et rigoureuse.
La fenêtre estivale : unique opportunité
La route F35 ouvre généralement de la mi-juin à la fin septembre. Ces dates sont indicatives et dépendent entièrement des conditions météorologiques et de la fonte des neiges. Il est impératif de consulter l’état officiel des routes sur le site de l’administration routière islandaise avant de s’engager. L’été offre l’avantage de journées très longues, grâce au soleil de minuit, permettant de profiter pleinement des paysages et de voyager sans la pression de l’obscurité.
Conditions météorologiques à anticiper
Même au cœur du mois de juillet, le temps sur la Kjölur peut changer radicalement en quelques minutes. Le soleil peut laisser place à un brouillard dense, à des pluies battantes ou à des vents violents. Les températures peuvent chuter brutalement. Il est donc crucial d’être préparé à toutes les éventualités. Ci-dessous, un aperçu des conditions moyennes en été dans les Hautes-Terres.
| Mois | Température moyenne (°C) | Ensoleillement moyen (heures/jour) | Précipitations (jours/mois) |
|---|---|---|---|
| Juin | 5°C – 10°C | 20 – 22h | ~10 jours |
| Juillet | 8°C – 13°C | 18 – 20h | ~10 jours |
| Août | 7°C – 12°C | 15 – 17h | ~12 jours |
Le choix de la période est donc aussi stratégique que la préparation logistique, qui conditionne directement la réussite et la sécurité de cette expédition.
Préparation du voyage : matériel et véhicules adaptés pour la F35
S’aventurer sur la F35 ne s’improvise pas. L’isolement de la région, l’absence quasi totale de services et la nature de la piste exigent une préparation méticuleuse. Le choix du véhicule est le premier point crucial, suivi de près par l’équipement à emporter.
Le choix crucial du véhicule
La législation islandaise est claire : les routes « F » sont strictement réservées aux véhicules 4×4. Même si la F35 ne comporte pas de traversées de rivières complexes, sa surface rocailleuse et parfois sablonneuse rend un véhicule à quatre roues motrices indispensable pour la sécurité et le confort. Opter pour un 4×4 avec une bonne garde au sol est la meilleure assurance contre les mauvaises surprises. Il est également essentiel de vérifier l’état des pneus, y compris la roue de secours, avant le départ.
Équipement et provisions indispensables
Une fois sur la F35, vous êtes livrés à vous-même. Il n’y a aucune station-service entre Gullfoss au sud et la région du lac Blöndulón au nord. Il est donc fondamental de partir avec le plein de carburant. De même, la couverture téléphonique est très limitée, voire inexistante sur de longues portions.
Voici une liste non exhaustive du matériel à prévoir :
- Carburant : Un plein complet est le minimum absolu.
- Nourriture et eau : Prévoyez suffisamment de provisions pour au moins 24 heures de plus que la durée prévue du trajet.
- Navigation : Ne vous fiez pas uniquement à une application mobile. Une carte papier détaillée et/ou un GPS autonome sont fortement recommandés.
- Vêtements : Emportez des vêtements chauds, imperméables et coupe-vent, quelle que soit la météo au départ. Le système des trois couches est idéal.
- Kit de premiers secours : Un indispensable pour toute excursion en pleine nature.
Pour ceux qui ne se sentent pas de conduire dans ces conditions, des compagnies de bus spécialisées proposent des trajets sur la F35 en été, offrant une alternative sécurisée pour admirer ces paysages uniques. Une fois bien équipé, le voyageur peut se concentrer sur les merveilles qui jalonnent le parcours.
Les incontournables de la F35 : paysages et sites à ne pas manquer
La route F35 n’est pas une simple liaison, c’est une destination en soi. Le trajet est ponctué de sites naturels d’une beauté spectaculaire, des oasis de chaleur et de couleur au milieu du désert minéral. Prendre le temps de s’arrêter est essentiel pour s’imprégner de l’atmosphère unique des Hautes-Terres.
Hveravellir : l’oasis géothermique
Située à peu près à mi-chemin, Hveravellir est une zone géothermique d’une incroyable richesse. On y trouve des fumerolles sifflantes, des solfatares aux couleurs vives et des sources d’eau chaude bouillonnante. Un sentier en bois permet de se promener en toute sécurité à travers ce champ géothermique actif. Le point d’orgue de la visite est la possibilité de se baigner dans une source chaude naturelle, un bassin aménagé où les eaux chaudes et froides se mélangent pour créer une température parfaite. C’est une expérience inoubliable après des heures de route sur une piste cahoteuse.
Kerlingarfjöll : les montagnes colorées
Un peu à l’écart de la F35, accessible par la piste F347, se trouve le massif de Kerlingarfjöll. Ce détour est absolument incontournable. Il s’agit d’une chaîne de montagnes de rhyolite, dont les couleurs vont du jaune au rouge en passant par l’orange, contrastant de manière spectaculaire avec les névés qui subsistent même en été. Le site principal, Hveradalir, est une vallée où l’activité géothermique est intense, avec de la vapeur s’échappant de partout. De nombreux sentiers de randonnée permettent d’explorer ce paysage qui semble tout droit sorti d’une autre planète.
Ces trésors naturels, aussi magnifiques soient-ils, se situent dans un environnement qui impose le respect et une vigilance constante pour garantir sa propre protection.
Sécurité sur la route F35 : conseils et précautions pour les voyageurs
L’aventure sur la F35 est exaltante, mais la sécurité doit rester la priorité absolue. L’isolement et la nature changeante de l’environnement exigent une attitude responsable et une bonne connaissance des règles de conduite et de prudence spécifiques aux Hautes-Terres islandaises.
Consulter les sources d’information officielles
Avant de prendre la route, et même pendant le trajet si possible, il est vital de se tenir informé. Deux sources sont primordiales : road.is pour l’état des routes en temps réel (ouvertures, fermetures, alertes) et vedur.is pour les prévisions météorologiques. Ignorer ces informations peut mener à des situations très dangereuses. Il est aussi conseillé de déposer son plan de voyage sur le site safetravel.is, surtout si l’on prévoit des randonnées.
Règles de conduite et de comportement
La conduite sur piste de gravier est très différente de la conduite sur asphalte. Il faut réduire sa vitesse, anticiper les virages et être attentif aux nids-de-poule ou aux pierres. La vitesse maximale recommandée est souvent bien inférieure à la limite légale. De plus, une règle d’or prévaut en Islande, et plus encore dans les Hautes-Terres : il est strictement interdit de conduire hors-piste. Cette pratique cause des dommages irréversibles à la végétation fragile et au sol volcanique, qui mettent des décennies, voire des siècles, à se régénérer. Le respect de la nature est la clé pour préserver ces paysages pour les générations futures.
Cette nature, si fragile, abrite d’ailleurs une vie discrète mais bien présente, que le voyageur attentif pourra observer.
Faune et flore le long de la route F35 : une nature sauvage préservée
À première vue, le paysage traversé par la F35 peut sembler stérile, un désert de roches et de sable. Pourtant, en y regardant de plus près, on découvre un écosystème résilient, une faune et une flore adaptées aux conditions extrêmes de l’altitude et du climat des Hautes-Terres.
Une flore tenace
La végétation est rare et se fait discrète. Elle se compose principalement de mousses et de lichens qui s’accrochent aux roches volcaniques, créant des tapis de couleur verte ou grise. Par endroits, on peut trouver des herbes robustes et quelques fleurs arctiques qui profitent de la courte saison de croissance estivale pour éclore. Cette flore, d’une incroyable ténacité, est extrêmement fragile. Un simple pas en dehors des sentiers peut détruire des années de croissance lente.
Une faune discrète
La faune est également peu visible mais bien réelle. Les oiseaux sont les habitants les plus communs de cette région. Le pluvier doré, oiseau emblématique de l’Islande, niche dans ces étendues désolées, et son chant mélancolique accompagne souvent le voyageur. On peut aussi apercevoir des oies sauvages près des quelques points d’eau. Le renard polaire, seul mammifère terrestre indigène de l’île, est présent mais sa nature craintive le rend très difficile à observer. Le respect du silence et de la quiétude des lieux est le meilleur moyen d’espérer une rencontre.
Traverser la route F35 est une aventure complète. C’est un défi logistique, une leçon d’humilité face aux éléments et une récompense visuelle de tous les instants. Cet itinéraire offre une perspective unique sur la puissance brute de la nature islandaise, un voyage au cœur d’une terre encore en formation. Pour ceux qui s’y préparent convenablement, l’expérience est inoubliable, un souvenir gravé dans la rocaille et les couleurs des paysages traversés. Le respect de cet environnement fragile est la seule contrepartie demandée pour le privilège de le parcourir.
