Le cheval islandais est bien plus qu’une simple monture ; il est une icône nationale, un fragment vivant de l’histoire viking qui galope à travers les paysages spectaculaires de l’Islande. Forgé par plus de mille ans d’isolement et une sélection naturelle impitoyable, cet animal robuste et au grand cœur incarne l’esprit de l’île de glace et de feu. Sa présence est si intimement liée à l’identité du pays que comprendre le cheval islandais, c’est toucher du doigt l’âme même de la nation islandaise, de ses sagas anciennes à sa culture contemporaine.
Le rôle culturel du cheval islandais en Islande
Depuis l’arrivée des premiers colons, le cheval a été un partenaire indispensable pour les Islandais. Il représente un pilier de la culture, un symbole de fierté et un lien tangible avec le passé héroïque des Vikings. Son importance dépasse largement sa fonction utilitaire pour s’inscrire profondément dans le tissu social et mythologique du pays.
Un compagnon des sagas et des légendes
Dans les anciennes sagas nordiques, les chevaux n’étaient pas de simples bêtes de somme. Ils étaient des compagnons de guerre, des symboles de statut et de pouvoir, et parfois même des créatures dotées d’une intelligence quasi divine. Le plus célèbre d’entre eux, Sleipnir, le cheval à huit pattes du dieu Odin, est souvent considéré comme l’ancêtre mythique des chevaux islandais. Cette connexion mythologique confère à la race une aura de noblesse et de mystère qui perdure encore aujourd’hui. Les chevaux étaient si précieux qu’ils étaient souvent enterrés aux côtés de leurs maîtres vikings, un honneur témoignant du lien indéfectible qui les unissait.
Un moteur économique et un ambassadeur national
Si son rôle dans l’agriculture et le transport a diminué avec la modernisation, le cheval islandais a trouvé une nouvelle vocation. Il est aujourd’hui au cœur d’une industrie touristique florissante, offrant aux visiteurs une manière unique de découvrir les paysages islandais. Les randonnées équestres sont une activité incontournable pour quiconque souhaite s’immerger dans la nature sauvage de l’île. De plus, sa popularité à l’étranger, notamment en Europe et en Amérique du Nord, en fait un véritable ambassadeur de la culture islandaise, exportant avec lui un peu de l’esprit de sa terre natale.
Cette place centrale dans la culture islandaise est le fruit d’une histoire singulière, marquée par un isolement qui a permis de préserver des caractéristiques uniques au monde.
Origines et histoire du cheval islandais
L’histoire du cheval islandais est une chronique de survie, d’adaptation et de pureté. Arrivé avec les premiers bateaux vikings, il n’a depuis jamais été croisé avec d’autres races sur son sol, ce qui en fait l’une des lignées équines les plus pures de la planète.
L’héritage des premiers colons nordiques
Les premiers chevaux ont été introduits en Islande par les colons vikings entre les années 860 et 935. Ces animaux, sélectionnés pour leur robustesse et leur petite taille afin de tenir dans les drakkars, provenaient de différentes régions de Scandinavie et des îles britanniques. Ils formaient un groupe génétique diversifié qui a servi de base à la race actuelle. Une fois sur l’île, ils sont devenus le seul moyen de transport terrestre, essentiels pour traverser les rivières glacées, les champs de lave et les terrains montagneux.
Une pureté préservée par la loi
Conscient de la valeur de ce patrimoine, le parlement islandais, l’Althing, a pris une décision radicale dès l’an 982 : interdire toute importation de chevaux sur l’île. Cette loi, toujours en vigueur plus de mille ans plus tard, a eu deux conséquences majeures :
- Elle a protégé la population équine locale des épidémies qui ont ravagé le continent européen.
- Elle a empêché tout croisement, préservant ainsi la pureté génétique de la race.
Cette règle est si stricte qu’un cheval islandais qui quitte le pays, que ce soit pour une compétition ou pour être vendu, ne peut jamais y revenir. Cet isolement a façonné un animal aux attributs bien particuliers.
Ce long processus de sélection naturelle et d’élevage en vase clos a donné naissance à un cheval doté de caractéristiques physiques et comportementales qui le distinguent de tous les autres.
Caractéristiques distinctives des chevaux islandais
Le cheval islandais est reconnaissable entre tous. Sa silhouette trapue, sa crinière abondante et son regard intelligent cachent une force et une endurance surprenantes. Ses traits uniques sont le résultat direct de son adaptation à un environnement exigeant.
Un physique taillé pour la survie
Avec une taille moyenne de 1,35 à 1,45 mètre au garrot, le cheval islandais est compact et musclé. Son corps robuste est conçu pour conserver la chaleur et résister aux vents violents. En hiver, il développe un épais pelage double couche qui l’isole parfaitement du froid et de l’humidité. Ses sabots sont durs et ses membres solides, lui assurant une stabilité à toute épreuve sur les terrains les plus difficiles. C’est un animal incroyablement frugal, capable de survivre avec peu de nourriture.
Cheval ou poney : la fin du débat
Sa petite taille lui vaut souvent d’être qualifié de poney. Cependant, pour les Islandais, l’appeler ainsi est presque une insulte. Au-delà des classifications basées sur la taille, le cheval islandais est considéré comme un cheval en raison de son tempérament, de sa force et de sa capacité à porter des adultes sans difficulté. La fédération internationale d’équitation le classe d’ailleurs comme un cheval.
| Critère | Poney (standard) | Cheval islandais |
|---|---|---|
| Taille | Généralement sous 1,48 m | Entre 1,32 m et 1,47 m |
| Constitution | Trapue, membres courts | Musclée, robuste, os solides |
| Force portante | Élevée par rapport à sa taille | Exceptionnelle, peut porter des adultes lourds |
| Statut officiel | Poney | Cheval |
Un tempérament amical et une robe colorée
Le cheval islandais est réputé pour son caractère exceptionnel. Il est curieux, intelligent, patient et très proche de l’homme. Cette nature douce en fait une monture idéale pour les cavaliers de tous niveaux, y compris les débutants et les enfants. De plus, la race présente une incroyable diversité de robes, avec plus de 40 couleurs et 100 variations officiellement reconnues. Il n’y a pas deux chevaux islandais parfaitement identiques.
Cependant, la caractéristique la plus fascinante et la plus célèbre du cheval islandais réside dans sa manière de se déplacer.
Les allures uniques du cheval islandais : tölt et skeið
En plus des trois allures classiques que sont le pas, le trot et le galop, la majorité des chevaux islandais maîtrisent une ou deux allures supplémentaires, héritées de leurs lointains ancêtres. Ces allures naturelles offrent une expérience de monte unique et un confort inégalé.
Le tölt : la quatrième allure
Le tölt est une allure à quatre temps, latérale et isochrone, ce qui signifie qu’il y a toujours au moins un pied au sol. Cette particularité élimine les secousses verticales typiques du trot. Pour le cavalier, la sensation est celle d’une glisse fluide et rapide, même sur un terrain accidenté. Un cheval au tölt peut maintenir une vitesse allant de celle d’un pas rapide à celle d’un galop soutenu, tout en offrant à son cavalier un confort absolu. La légende veut que l’on puisse boire un verre en étant au tölt sans en renverser une seule goutte.
Le skeið : l’amble volant
Le skeið, ou « amble volant », est la cinquième allure. C’est une allure latérale à deux temps extrêmement rapide, où les deux jambes du même côté se déplacent simultanément. Utilisée sur de courtes distances, elle peut propulser le cheval et son cavalier à des vitesses approchant les 50 kilomètres par heure. Le skeið procure une sensation de vol, avec des moments de suspension entre chaque posé. Tous les chevaux islandais ne maîtrisent pas cette allure, réservée aux individus les plus talentueux et souvent mise en valeur lors de courses spectaculaires.
Ces allures exceptionnelles font de la randonnée équestre une activité phare, et la bonne nouvelle est qu’il est possible de rencontrer ces créatures fascinantes presque partout sur l’île.
Où observer les chevaux islandais en Islande
Avec une population d’environ 80 000 individus pour un peu plus de 350 000 habitants, les chevaux font partie intégrante du paysage islandais. Il est pratiquement impossible de voyager en Islande sans les apercevoir, paissant paisiblement dans d’immenses prairies verdoyantes.
Une rencontre au détour de la route
Le long de la Route Circulaire (Route 1) et des routes secondaires, de nombreuses fermes équestres bordent le chemin. Les chevaux, souvent curieux, s’approchent volontiers des clôtures. Il est cependant crucial de respecter leur tranquillité : ne pas les nourrir et ne pas entrer dans leurs enclos sans autorisation. La meilleure façon d’interagir avec eux est de visiter une ferme qui propose des activités encadrées.
L’immersion dans les fermes et centres équestres
Pour une véritable expérience, rien ne vaut une visite dans un centre équestre. Ces établissements proposent une large gamme d’activités pour tous les publics :
- Des balades courtes d’une ou deux heures pour les débutants.
- Des randonnées d’une demi-journée ou d’une journée complète pour explorer des sites spécifiques comme des plages de sable noir ou des champs de lave.
- Des expéditions de plusieurs jours pour les cavaliers expérimentés, traversant les Hautes Terres et dormant dans des refuges.
C’est l’occasion parfaite de tester le confort du tölt et d’apprendre à connaître ces animaux attachants.
La présence constante de ces chevaux dans la vie quotidienne s’accompagne naturellement d’un calendrier festif qui leur est dédié, rythmant l’année au pas de leurs allures uniques.
Événements et traditions autour du cheval islandais
L’amour des Islandais pour leurs chevaux se manifeste à travers plusieurs événements majeurs qui célèbrent la race, son histoire et ses talents. Ces rassemblements sont des moments forts de la vie sociale et culturelle islandaise.
Landsmót : la grande messe du cheval islandais
Le Landsmót hestamanna est le plus grand événement équestre d’Islande. Organisée tous les deux ans dans une ville différente, cette compétition nationale est une véritable vitrine pour les meilleurs chevaux et cavaliers du pays. Pendant une semaine, des milliers de spectateurs assistent à des épreuves de gæðingakeppni, des compétitions où l’on juge la qualité des allures et le charisme du cheval, ainsi qu’à des présentations des meilleurs étalons reproducteurs. C’est un spectacle inoubliable et une immersion totale dans la culture équestre locale.
Le Réttir : le rassemblement des troupeaux
Chaque automne, en septembre, a lieu le Réttir. Cette tradition ancestrale consiste à rassembler les moutons et les chevaux laissés en liberté dans les montagnes pendant l’été. Des dizaines de fermiers à cheval parcourent les hauts plateaux pour guider les troupeaux vers des enclos de tri circulaires. Le Réttir est un événement communautaire majeur, souvent suivi de festivités, qui attire de nombreux visiteurs désireux d’assister à ce spectacle authentique de la vie rurale islandaise.
Le cheval islandais est bien plus qu’une simple race équine. Il est le gardien de l’histoire viking, un symbole de la résilience de la nature islandaise et un partenaire fidèle de son peuple. De ses origines anciennes à son rôle moderne, en passant par ses allures uniques et sa place centrale dans la culture, il incarne l’essence même de l’Islande : une force tranquille, une beauté sauvage et un esprit indomptable.
