Souvent délaissée au profit des célèbres sites du sud ou des environs de Reykjavik, la région des fjords de l’est de l’Islande offre pourtant une expérience d’une rare authenticité. C’est une terre de contrastes, où des montagnes acérées plongent brutalement dans des eaux sombres et profondes. Ici, la nature dicte sa loi, façonnant des paysages grandioses et imposant un rythme de vie plus lent. Le long d’une route côtière qui serpente entre les villages de pêcheurs, le voyageur découvre un visage plus secret et sauvage de l’île, un territoire où les troupeaux de rennes en liberté sont les véritables maîtres des lieux et où chaque virage révèle un nouveau panorama, souvent spectaculaire, parfois intimidant sous un ciel chargé.
Découverte des fjords de l’est : un voyage entre mer et montagnes
Une géographie spectaculaire façonnée par les glaces
La topographie des fjords de l’est est le résultat direct de l’intense activité glaciaire passée. D’immenses glaciers ont sculpté ces profondes vallées en forme de U, qui ont ensuite été envahies par la mer pour former les fjords que nous connaissons aujourd’hui. Le littoral est ainsi une succession de péninsules et de baies, dominées par des montagnes de basalte aux sommets souvent tabulaires ou déchiquetés. Cette structure géographique a longtemps isolé la région, préservant son caractère unique et ses petits villages de pêcheurs blottis au fond des anses, comme Neskaupstadur ou Eskifjordur. La sensation d’être au bout du monde est ici omniprésente, renforcée par une densité de population parmi les plus faibles du pays.
La faune emblématique : le royaume des rennes
Si l’Islande est connue pour ses chevaux et ses moutons, les fjords de l’est sont le seul endroit de l’île où l’on peut observer des rennes à l’état sauvage. Introduits de Norvège à la fin du XVIIIe siècle pour l’élevage, les animaux se sont rapidement adaptés à la vie sauvage. Aujourd’hui, une population de plusieurs milliers d’individus prospère dans la région. Il n’est pas rare de les apercevoir en troupeaux le long des routes ou sur les hauts plateaux durant l’été. En hiver, ils descendent vers les côtes pour trouver de la nourriture, offrant des scènes mémorables aux voyageurs qui s’aventurent dans la région durant la basse saison.
L’atmosphère unique des villages de pêcheurs
La vie dans les fjords de l’est s’organise autour de petites communautés dont l’activité principale reste la pêche. Chaque village possède son propre caractère, mais tous partagent une atmosphère paisible et un lien puissant avec l’océan. Les ports animés, les maisons colorées et la gentillesse des habitants créent une ambiance chaleureuse qui contraste avec la rudesse des paysages environnants. Prendre le temps de s’arrêter dans ces localités permet de s’imprégner d’une culture locale forte, loin de l’agitation des grands centres touristiques.
Explorer cette région grandiose implique de maîtriser son principal axe de communication : la route. Celle-ci, bien que faisant partie de la célèbre route circulaire, présente des défis qu’il convient d’anticiper pour un voyage en toute sérénité.
Les routes sinueuses : conseils pour une conduite sécurisée
Les défis de la route numéro 1 et des axes secondaires
Dans cette partie de l’Islande, la route numéro 1 abandonne les longues lignes droites pour épouser fidèlement le contour de chaque fjord. Elle devient alors une succession de virages, de montées et de descentes, offrant des vues imprenables mais exigeant une attention constante. Certaines portions ne sont pas asphaltées et peuvent se transformer en pistes de gravier. De plus, des cols comme celui d’Almannaskard peuvent être impressionnants. La prudence est donc de mise, et il est essentiel de ne pas se laisser distraire par la beauté du paysage. Il faut prévoir des temps de trajet plus longs qu’estimé par les GPS, car la vitesse moyenne y est forcément réduite.
L’impact imprévisible de la météo
La météo est un facteur déterminant pour la conduite dans les fjords de l’est. Le vent, en particulier, peut souffler avec une violence extrême, formant des rafales capables de déstabiliser les véhicules, notamment les camping-cars et les voitures légères. Le brouillard est également fréquent, réduisant la visibilité à quelques mètres, surtout en altitude. Il est impératif de consulter les bulletins météorologiques et l’état des routes sur les sites officiels avant de prendre le volant. Voici quelques conseils de base :
- Vérifier systématiquement les conditions sur road.is et vedur.is.
- Réduire considérablement sa vitesse par temps de pluie ou de vent fort.
- Ne jamais s’arrêter en plein milieu de la chaussée pour une photo, même si la route semble déserte.
- En cas de tempête annoncée, il est plus sage de reporter son déplacement.
Choisir le bon véhicule pour son itinéraire
Pour parcourir la route principale en été, un véhicule standard est généralement suffisant. Cependant, un véhicule 4×4 offre un confort de conduite et une sécurité accrus, notamment sur les tronçons de gravier ou pour s’aventurer sur des routes secondaires, comme celle menant à Mjoifjordur. En dehors de la période estivale, le 4×4 devient quasi indispensable en raison des risques de neige et de verglas, même à basse altitude.
Une fois ces précautions de conduite intégrées, les fjords de l’est se révèlent être un terrain de jeu exceptionnel pour les amateurs de nature et d’activités de plein air, à commencer par la randonnée.
Randonnées incontournables : borgarfjordur, dyrfjoll et Mjoifjordur
Borgarfjordur Eystri : entre macareux et montagnes de rhyolite
Surnommé le « paradis des macareux », le petit village de Borgarfjordur Eystri est une destination de choix. De mi-avril à mi-août, des dizaines de milliers de macareux moines nichent sur le promontoire de Hafnarholmi, où des plateformes d’observation permettent de les approcher sans les déranger. Mais la région est aussi un haut lieu de la randonnée, avec un réseau de sentiers balisés serpentant à travers les montagnes de rhyolite colorées. Les paysages y sont d’une beauté saisissante, mêlant les teintes ocres, vertes et roses de la roche à la verdure des vallées.
Le massif de Dyrfjoll : les « montagnes de la porte »
Visibles depuis Borgarfjordur, les Dyrfjoll sont l’un des massifs les plus emblématiques de la région. Leur nom, signifiant « montagnes de la porte », vient de l’immense brèche en forme de V qui coupe leur sommet. L’ascension est exigeante et s’adresse à des randonneurs expérimentés, mais l’effort est récompensé par des panoramas à couper le souffle sur les fjords et l’océan. C’est une immersion totale dans la puissance géologique de l’Islande.
Site de randonnée | Difficulté | Attrait principal |
---|---|---|
Borgarfjordur Eystri | Facile à modérée | Colonie de macareux (en saison), montagnes colorées |
Massif de Dyrfjoll | Difficile | Vue panoramique, formation géologique unique |
Mjoifjordur | Accès routier difficile, randonnées variées | Fjord isolé, cascades, tranquillité absolue |
Mjoifjordur : la récompense au bout de l’isolement
Le « fjord étroit » porte bien son nom. Pour l’atteindre, il faut emprunter une piste de gravier escarpée, ouverte uniquement en été. Le voyage est une aventure en soi, mais la destination est une véritable pépite. Avec seulement une poignée d’habitants à l’année, Mjoifjordur est un havre de paix. Le fjord est bordé de nombreuses cascades, dont la magnifique Klifbrekkufossar qui dévale la montagne en plusieurs paliers. Les possibilités de randonnées sont nombreuses, dans un silence quasi total, seulement troublé par le cri des oiseaux marins.
Si la randonnée permet d’apprécier les fjords depuis les hauteurs, une autre perspective, tout aussi fascinante, s’offre depuis la surface de l’eau.
À la découverte des fjords en kayak : l’escapade à Seydisfjordur
Seydisfjordur : un joyau artistique et coloré
Niché au fond d’un fjord de 17 kilomètres de long, Seydisfjordur est sans doute le village le plus photogénique de la région. Connu pour son église bleue et sa rue arc-en-ciel, il se distingue par ses maisons en bois colorées et son ambiance créative et bohème. C’est le point d’arrivée du ferry en provenance du Danemark et des îles Féroé, ce qui lui confère une atmosphère cosmopolite unique. Le cadre naturel, avec les montagnes enneigées qui l’entourent, est tout simplement spectaculaire.
Pagayer au cœur d’un paysage grandiose
Explorer le Seydisfjordur en kayak de mer est une expérience inoubliable. Pagayer sur les eaux calmes du fjord offre un point de vue radicalement différent sur les montagnes vertigineuses qui tombent à pic dans l’eau. Le silence est profond, et la sensation de glisser sur l’eau au milieu de cette nature imposante est profondément apaisante. C’est l’occasion d’observer de plus près les cascades qui se jettent dans le fjord et, avec un peu de chance, d’apercevoir des phoques ou des marsouins.
Conseils pour une sortie en toute sécurité
Plusieurs prestataires locaux proposent des excursions guidées en kayak, adaptées à tous les niveaux, y compris aux débutants. Il est vivement recommandé d’opter pour cette solution afin de bénéficier de l’expertise d’un guide et de tout l’équipement de sécurité nécessaire. Pour une sortie réussie :
- Choisissez une excursion adaptée à votre condition physique.
- Portez des vêtements chauds et imperméables, même par beau temps.
- Suivez attentivement les consignes de sécurité du guide.
Au-delà de ses trésors naturels, la région des fjords de l’est possède également une histoire riche et parfois surprenante, qui mérite d’être explorée.
Histoire et culture : musées et héritage militaire à Reydafjordur
Un passé stratégique durant la seconde guerre mondiale
Le village de Reydafjordur, situé dans le plus grand fjord de la côte est, a joué un rôle inattendu mais crucial durant la seconde guerre mondiale. En raison de sa position stratégique dans l’Atlantique Nord, il a servi de base pour les forces alliées, principalement britanniques et américaines. Des milliers de soldats y ont été stationnés, transformant temporairement ce petit port de pêche en une plaque tournante militaire. Cet épisode a laissé une empreinte durable sur la ville et sa culture.
Le musée islandais de la guerre : un témoignage unique
Pour comprendre cette période, une visite au Musée islandais de la guerre (Íslenska stríðsárasafnið) est incontournable. Installé dans un ancien baraquement hospitalier de l’armée, le musée retrace la vie des soldats et l’impact de l’occupation sur la population locale. À travers une collection d’objets d’époque, de véhicules, d’uniformes et de photographies, il offre un aperçu fascinant d’un chapitre méconnu de l’histoire islandaise. C’est un témoignage poignant de la manière dont un conflit mondial a pu bouleverser le quotidien d’une communauté isolée.
Un héritage visible dans la ville
L’influence de cette période ne se limite pas au musée. En se promenant dans Reydafjordur et ses environs, on peut encore apercevoir des vestiges de la présence militaire, comme des fondations de baraquements ou d’anciennes installations portuaires. Ce passé a contribué à façonner l’identité de la ville, qui se distingue des autres villages de pêcheurs de la région par cette histoire singulière.
En quittant les centres historiques pour s’enfoncer à nouveau dans les recoins les plus sauvages, on découvre d’autres facettes de la région, où la faune et les paysages bruts reprennent tous leurs droits.
Oiseaux rares et paysages isolés : skalanes et Nordfjordur
Skalanes : une réserve naturelle au bout du monde
Située à l’embouchure du fjord de Seydisfjordur, la réserve naturelle privée de Skalanes est un sanctuaire pour la faune et un centre de recherche. Accessible uniquement après une randonnée ou en véhicule 4×4, le site offre une immersion totale dans un environnement préservé. C’est un lieu d’observation privilégié pour de nombreuses espèces d’oiseaux, dont des colonies de macareux, de guillemots et d’eiders. Le paysage y est particulièrement sauvage, avec des falaises abruptes battues par les vagues et des prairies verdoyantes. Skalanes incarne un tourisme durable et respectueux de l’environnement.
Nordfjordur : la quête de la solitude absolue
Pour les voyageurs en quête de paysages encore plus isolés, l’exploration de fjords moins connus comme Nordfjordur est une aventure mémorable. Souvent accessible par des pistes difficiles, ce fjord offre des panoramas d’une beauté brute et intacte. Ici, point de village, seulement quelques fermes abandonnées qui témoignent d’une vie passée, plus rude. C’est l’endroit idéal pour se sentir véritablement seul face à l’immensité de la nature islandaise, pour écouter le silence et admirer la pureté des lignes du paysage.
Egilsstadir et la légende du lac Lagarfljot
Bien qu’elle ne possède pas le charme pittoresque des villages côtiers, Egilsstadir est la principale ville et le carrefour administratif et commercial des fjords de l’est. C’est une étape pratique pour se ravitailler. Sa situation à l’intérieur des terres, au bord du lac Lagarfljot, lui confère un climat plus stable. Ce lac est célèbre pour sa propre légende, celle du Lagarfljotsormurinn, un monstre serpentiforme qui, à l’instar de son cousin écossais du Loch Ness, hanterait ses eaux profondes. Une touche de folklore qui ajoute au mystère de la région.
Les fjords de l’est se révèlent être bien plus qu’une simple étape sur la route circulaire. C’est une destination à part entière, qui récompense ceux qui prennent le temps de l’explorer. Entre les routes panoramiques exigeant la prudence, les randonnées spectaculaires vers des sites comme Borgarfjordur, les expériences uniques comme le kayak à Seydisfjordur, et une histoire surprenante à Reydafjordur, la région offre une diversité remarquable. Elle s’adresse aux voyageurs en quête d’authenticité, de tranquillité et de paysages grandioses, loin des foules. Un séjour dans cette partie de l’Islande laisse une impression durable de nature puissante et de beauté sauvage.